RESEAU COMÈTE                                                                           

pages 269-270                                         

 LE «SECTEUR SUD»

 

Sous l'impulsion de Némo, l'activité du secteur belge de Comète ne cessait de croître, tandis que, dans le Sud, Tante Go élargissait son équipe. Outre la fidèle Léontine Danglade, elle disposait maintenant du concours actif des deux filles de M. Domain, le maire d'Anglet: Mme Lagneau qui, connaissant dès le début la véritable identité de « B », s'était offerte pour héberger les Belges de pas­sage et rendait tous les services qui lui étaient demandés, imitée par Simone Domain, sa cadette, professeur d'édu­cation physique et de gymnastique au lycée de Bayonne, qui avait reçu chez elle Dédée à plusieurs reprises.

Il y avait aussi Mme Mendiburu, chargée de petites besognes à la cantine d'Anglet, toujours bien informée, toujours prête à héberger quelqu'un, et aidant au ravitaillement. Il y avait Katalin Aguirre et sa fille Joséphine, et leur voisine et amie Gracy Ladouce...

- J'allais souvent chez Katalin passer la soirée avec elle et sa « Fifine », une jolie fille à peine âgée de quinze ans, dit Mlle Ladouce, et c'est ainsi que je suis entrée dans l'aventure. Je voyais dans cette maison Florentino le passeur, qui employait ses moments de loisir à rechercher les épines enfoncées dans ses doigts. Combien de fois, à peine rentré d'une expédition, ne l'ai-je pas vu reprendre le chemin de la montagne avec de pauvres jeunes gens, qui n'avaient pas les moyens de se payer un guide !

Il y avait aussi la vaillante et infatigable Léontine Danglade, qui circulait sans ôter son tablier sur sa vieille bicyclette datant de 1900, jouant le rôle d'agent de liaison qui ne s'accordait guère avec la prospérité de son épicerie. « B » comptait au nombre des « livreurs », qui portaient à la Villa Voisin des fromages, des denrées alimentaires, voire des sacs de tabac, et balayant à l'occasion le magasin. Léontine avait pu se convaincre que son téléphone n'était pas surveillé, aussi le réseau l'utilisait-il largement, parfois même pour communiquer avec l'Espagne. « Je ne me doutais de rien, m'a écrit sa sœur, Mme Paul Lamarque, alors que j'allais la voir tous les jours. Je ne m'imaginais pas que son magasin pût servir d'entrepôt clandestin. Et pourtant, elle a dû, certain jour, loger quatorze Allemands dont le relais a été pris la nuit suivante par  quatorze  autres ! ».

 

Interview de Madame de Greff page 50

 

« J'avais raconté à mon patron bayonnais ce que nous avions fait avec M. Domain pour aider les Belges qui se trouvaient en détresse dans la région, en ajoutant qu'il était possible que, de temps en temps, on m'en signale qui erraient encore, et qu'il faudrait aider. « Si jamais cela vient à se produire, lui avais-je dit, je serai peut-être obligée de quitter le magasin pour un jour ou deux. » Ce brave homme l'avait très bien compris, et je lui ai laissé un mot pour le prier d'excuser mon absence. Avec Andrée de Jongh et Deppé, je suis allée collecter la bande qu'on m'amenait. Ils étaient onze, que Deppé avait laissé sous les arcades, en plein milieu de Bayonne, trois par-ci, deux par-là, l'un consommant à la terrasse d'un café, l'autre faisant semblant de lire un journal... Je n'ai pu me rete­nir de déclarer à Deppé que je ne pouvais admettre de telles imprudences, et que notre travail débutait bien mal. Puisqu'il connaissait Bayonne, il lui suffisait de prendre le « B.A.B.» - le petit chemin de fer reliant Bayonne à Biarritz en passant par Anglet - pour ame­ner directement tous ses compagnons chez moi, au lieu de les faire remarquer en ville. Cela dit, il fallait parer au plus pressé. Andrée de Jongh est partie avec les plus jeunes, j'ai pris en charge les plus voyants, de façon à les présenter comme des Belges que je devais rapa­trier, au cas où nous serions interpellés, et Deppé s'est chargé du reste.

« Pour arriver au petit chemin creux qui menait à la maison, il fallait passer devant l'épicerie de Mlle Léontine Danglade, en qui j'avais toute confiance. Elle était avertie de ce qui viendrait à se produire, car ce n'était pas le tout que de loger ceux qui me seraient envoyés: il fallait aussi les nourrir, et Léontine pouvait m'être très utile. Elle n'a cessé de m'être du plus grand secours, tout en jouant le rôle de vigie de la Villa Voisin, où personne ne pouvait aller sans être vu de ma brave épicière, qui est devenue mon amie.

« Même avec l'aide de Léontine, treize personnes arri­vant chez nous sans crier gare, c'était une espèce de catastrophe !