Histoire de la ligne Comète

 

L’Allemagne hitlérienne attaque, par traîtrise, la Belgique le 10 mai 1940. Après 18 jours de combats valeureux, la petite armée belge doit déposer les armes devant un adversaire trop puissant, en hommes et en matériel. et qui, en outre, n'a pas hésité à mitrailler les convois de réfugiés. L'occupation de la Belgique commence : Elle va durer quatre ans. Les hôpitaux militaires regorgent de blessés dont beaucoup de militaires anglais survivants des combats de Belgique et de Dunkerque.

Ils sont soignés par des membres de la Croix­Rouge. Parmi eux, une jeune fille de Bruxelles qui s'est portée volontaire, Andrée De Jongh. Profondément patriote et refusant la défaite, elle fait partie d'un groupe de résistants de la première heure, qui assure, entre autres, l'hébergement clandestin de militaires anglais évadés.

Mais au fil des mois qui passent, et alors que pour beaucoup, la guerre semble perdue pour les Alliés, des difficultés de plus en plus grandes se posent aux résistants qui les cachent: manque de ravitaillement, (le rationnement a été appliqué très vite en Belgique occupée), danger d'étre dénoncé...

Le groupe des résistants, dont elle fait partie, a été décimé, entre temps par des arrestations. Seules deux personnes ont échappé, jusqu'à présent: Andrée De Jongh et Arnold Deppé.

Andrée De Jongh se rend vite compte qu'une solution d'évacuation s'impose et, après mûre réflexion, elle arrive à la conclusion qu'il n'y a, à cette époque du moins, qu'une possibilité: traverser la France et l'Espagne et arriver à Gibraltar, territoire anglais.

Ce projet semble quasi irréalisable alors que l'Europe est aux mains des nazis: c'est pourtant cette gageure qui va être menée à bien. Arnold Deppé connaît bien la région de Bayonne où il a travaillé avant-guerre et il obtient, d'un ami sûr, l'adresse d'une Belge, réfugiée à Anglet­St-Jean, Madame de Greef, surnommée « Tante Go ».

Arnold Deppé part donc en prospection dans cette région, prend. différents .contacts et fait la connaissance de « Tante Go » et de sa famille. Il revient à Bruxelles et faitr un comple-rendu des son voyage à Andrée De Jongh. Un premier essai de convoyage fut alors préparé et réalisé par Andrée De Jongh et Arnold Deppé qui prirent la route du Sud avec un groupe de militaires belges, désireux de gagner l'Angleterre pour poursuivre la lutte. Ce voyage, plein de risques (il fallut traverser de nuit la Somme à la nage et éviter les contrôles allemands), fut réussi, au prix d'une épuisante ran­donnée à l'aveuglette.

Arrivés à Anglet. ils reprirent contact avec « Tante Go » et confièrent leurs « passagers» à un guide basque, qui assura, moyennant finances, leur passage en Espagne pour faire face aux frais de voyage et payer le guide, Andree De Jongh avait vendu tous ses bijoux et emprunté des fonds à ses amis et voisins...

 

De retour à Bruxelles, un second voyage fut décidé avec d'autres évadés: un groupe partit avec Dédée, le second avec Arnold Deppé. Mais seule Dédée arriva à Anglet avec ses évadés, Arnold Deppé, ayant été arrêté à Lille, trahi par un « ami ».

Dédée apprend aussi que le premier groupe a bien traversé les Pyrénées, mais que tous ont été arrêtés par la police espagnole et internés à Miranda.

Elle se rend compte alors qu'il ne suffit pas de faire toute cette longue route sans être assurée que les aviateurs seront pris en mains par les services anglais en Espagne et conduits en sécurité à Gibraltar. Elle décide donc de passer les Pyrénées avec les aviateurs et de se rendre au consulat bri­tannique à Bilbao pour solliciter cette aide.

Après des semaines d'attente (les Anglais ne croyaient pas trop à la réussite des projets de cette très jeune fille et se méfiaient d'un piège éventuel) elle obtint la confiance des autorités britanniques et put prendre ainsi toutes les dispositions pour que les prochains évadés soient pris en charge et conduits clandestinement à Gibraltar pour pouvoir prendre le chemin de l'Angleterre, seul pays à continuer la lutte contre les Allemands. Comète est né le jour de cet accord: en juin 1941.

«Dédée » s'attela alors à l'immense travail d'organiser une ligne d'évasion: pendant des mois, elle prit des contacts avec des résistants pour créer ce réseau, héberger les aviateurs, leur fournir des vêtements civils, des faux papiers. Elle recruta des guides basques, familiers du passage des Pyrénées, organisa des relais, recruta des fermiers basques qui pouvaient cacher les pilotes en transit.

Le réseau d'évasion est d'abord surnommé la  «Ligne Dédée» et rebaptisé «Comète» après l'arrestation d'Andrée De Jongh en janvier 1943. Mais dès 1941, Comète s'organise rapidement, se consacrant tout spécialement au rapatriement des aviateurs alliés abattus, car l'Angleterre manque désespérément de pilotes pour résister à l'énorme attaque aérienne qu'elle subit.

 

Le schéma de fonctionnement de Comète était simple: quatre secteurs répartis ainsi:

 

1. Belgique et Nord de la France assurant le dépistage, l'hébergement et le ravitaillement des combattants alliés abattus, plus la fabrication de faux documents.

 

2. Paris assurant une sorte de «  plaque tournante » avec hébergement temporaire des aviateurs venus du Nord et dirigés vers le sud de la France.

 

3. Anglet-St-Jean, dans les Basses Pyrénées, supervisant les guides basques pour la traversée de la montagne et organisant le logement pour ce dernier relais avant les Pyré­nées.

 

4. La traversée des Pyrénées conduite par un guide basque, toujours accompagné du Chef de Réseau, lequel prenait, à chaque voyage, contact avec les services anglais pour convenir des futurs passages.

 

Le schéma resta, dans ses grandes lignes, inchangé jusqu'en janvier 1944, ne subissant que les modifications imposées par des changements dans les dispositifs allemands de contrôle ainsi que ceux nécessités par les arrestations qui décimaient parfois les rangs des agents Comète.

Au printemps 1944 cependant. l'intensification des raids aériens rendant les transferts par rail et route problématiques, les aviateurs dépistés par Comète furent cachés dans des camps: dans les Ardennes belges et à Châteaudun en France. (Cette organisation fut confiée à Jean de Blommaert au cours de la mission. Marathon .). Les aviateurs y attendirent le débarquement et la libération.

La difficulté des communications rendant alors le commandement unique très difficile, chaque secteur agit d'initiative, s'arrangeant pour conduire les aviateurs vers les camps.

Le résultat de cette action :
de Août 1941 à Août 1942 39 Aviateurs alliés

de Août 1941 à Janvier 1943

76 Aviateurs alliés
de Janvier 1943 à Juin 1944 198 Aviateurs alliés
Pendant ces périodes 64 Agents belges et français

Surpris par la libération :
Hébergés à Bruxelles 76 Aviateurs alliés
Camps des Ardennes 145 Aviateurs alliés
Camps de France 125 Aviateurs alliés
Pris en charge par Comète mais passés à d'autres réseaux du fait de sursaturations momentanées 75 Aviateurs alliés

Total libérés : 798, Anglais, Américains, Australiens, Canadiens, Néo-Zélandais, Polonais, Belges, Russes, Français, Norvégiens